samedi 29 décembre 2012

Les quatre grands romans classiques chinois … et un cinquième



Les Quatre livres extraordinaires (四大奇) sont considérés comme les plus grands classiques du roman chinois et les plus importants succès de la littérature romantique et de la culture traditionnelle chinoise.. Ce sont par ordre chronologique : « Histoire des Trois Royaumes » (三国演) (XIVe siècle) ; « Au bord de l'eau » (浒传) (entre le milieu du XIIIe siècle et le XVe siècle ?) ; « Le Voyage en Occident » (西游) (XVIe siècle) ; et « Le Rêve dans le pavillon rouge » ou « L'histoire de la Pierre » (紅楼梦) (XVIIIe siècle).

Ces quatre chefs-d'œuvre littéraires ont profondément influencé la culture chinoise ainsi que le reste de l'Asie de l'est : opéras, séries télévisées, films ou encore jeux vidéo sont nés en s'inspirant des riches intrigues de ces quatre livres. Source d’inspiration, ces livres sont aujourd’hui devenus en fait quatre miroirs qui reflètent les particularités idéologiques, culturelles et psychologiques des Chinois.



L' « Histoire des Trois Royaumes »

L'« Histoire des Trois royaumes »[1] raconte la réalité historique la fin de la période Han et la période des Royaumes Combattants et la rivalité entre les royaumes de Wei () de Cao Cao, Shu () de Liu Bei et Wu () de Sun Quan. Bien que le roman adopte une attitude différente envers les trois : respect envers Liu, en même temps éloge et critique à l'encontre de Cao et commentaire sur Sun, il approuve pleinement et positivement les points communs des trois, c'est-à-dire leur volonté de réunification et de réaliser un monde stable et tranquille. Après que chacun des trois eussent établi son pays, ils ne se sont pas montrés satisfaits, car leur souhait c'est de réunir en un les trois. La réunification est le désir commun de tous les Chinois et elle est enracinée dans leur for intérieur et coule dans leur sang.

L'« Histoire des Trois royaumes » met en scène la volonté d'unifier tout le pays dans une nation chinoise ainsi que l’aspiration à un monde stable et tranquille. La « Grande Etude » comprend huit articles dont le plus important est de créer un monde calme et en paix.

Les personnages sont déterminés par leur sentiment national. Cet ouvrage se soucie peu de la vie quotidienne, des rapports familiaux ainsi que de la moralité et de l'éthique. Par exemple, Cao Cao ancien Premier ministre devenu roi de Wei, y est dépeint comme un personnage machiavélique mettant son esprit stratégique au service de son ambition démesurée. Il est originaire d'où et combien a-t-il d'épouses ? Comment s'appelle l'épouse de Guan Yu et a-t-elle des sœurs ? …… L'auteur Luo Guanzhong ne raconte rien sur cela. Car il accorde seulement de l'importance aux affaires d'Etat et se préoccupe surtout du destin des trois royaumes. Ce souci de l'existence et du développement de la nation chinoise est intimement lié au sentiment patriotique des Chinois qui distinguent nettement ce qu'ils aiment de ce qu'ils haïssent.

Parmi les pays du monde qui possèdent un long passé civilisé, la Chine est doté d'une civilisation ininterrompue. Pourquoi ? Ce roman affirme que la nation chinoise aspire depuis longtemps à la réunification de l'ensemble du pays et est dotée d'une idée qui insiste sur l'importance de l'harmonie et de la stabilité. Cette aspiration et cette idée sont tellement enracinées dans le cœur des Chinois qu'elles sont devenues les plus grandes forces de cohésion qui unissent et rassemblent les Chinois. Au cours des millénaires passées, la nation chinoise a été divisée et séparée plusieurs fois, mais après chaque séparation et chaque division les Chinois ont toujours réussi à réaliser la réunification du pays grâce à leur ténacité et à leur abnégation.


« Au bord de l'eau »

Relatant l’histoire de 108 brigands chevaliers, fondateurs d’une société secrète, en lutte contre le pouvoir corrompu, "Au bord de l’eau  Shui Hu Zhuan "[2] écrit par Shi nai'an et Luo Guan Zhong, est le plus fameux roman d’aventure jamais écrit. Ce roman permet de tout savoir sur la Chine médiévale, les jeux entre les pouvoirs, les sociétés secrètes et toutes sortes de coutumes. Par exemple, comment tuer un tigre à main nue, ou comment certaines auberges tuent les voyageurs et les proposent en plats cuisinés aux autres voyageurs. Chaque héros affronte des épreuves dans ce que les sociologues appellent des "champs de légitimités" : la cour impériale, la maison familiale, le monastère, l'auberge, la forêt, le marché, l'intrigue féminine, l'embuscade, le duel, l'invitation d'un admirateur. A chacune des épreuves, le héros acquière une nouvelle qualité.

Chaque personnage est une individualité qui ne peut être réduite à un type traditionnel. La méthode est de multiplier les quasi-semblables, et de personnaliser chacun des héros. Les ressemblances superficielles volent en éclats !

Là où la tradition aurait renforcé les traits généraux du fier gaillard (jizhangfu), le roman créé au contraire quatre personnes radicalement distinctes : Lu Da, Lin Chang, Yang Zhi et  Wu Song.

Commentaire du chapitre 25 de l'ouvrage Au bord de l'eau par un de ses éditeurs, Jin Shengtan

" Le début du livre peignant Lu Da, qui est le summum du fier gaillard (jizhangfu), on n'imagine pas que par là dessus sera peint Lin Chang, nouveau summum du fier gaillard. Peindre Lu Da, puis peindre encore Lin Chang, c'est déjà une fameuse prouesse, mais l'on n'imaginait pas que par là-dessus viendrait encore la peinture de Yang Zhi, autre summum du fier gaillard! Et ces trois gaillards ont  chacun leur cœur, chacun leur esprit, chacun leur allure, chacun leur vêtement, et - semblables aux héros des fresques de Yan et de Wu et leurs palais marins et entourés des divinités au complet - leur miséricorde est une vraie miséricorde, leur colère, une vraie colère, leur beauté, une vraie beauté, leur laideur, une vraie laideur !

Quand l'art atteint à ce degré, il ne saurait aller plu loin, et quand l'admiration atteint à ce point, elle non plus ne peut aller plus loin. Et pourtant, ces deux peintres recèlent encore dans leur sein d'autres figures de pinceau sublimes et hors normes, et il y a encore ce qu'on appelle « matière de nuées et écrit de dragon », beauté de soleil et couleur de lune, ce qui est totalement étranger à ce que la technique ou l'esprit de ce monde peuvent concevoir, à ce que l'œil peut voir, à ce que la main peut saisir, à ce que le pinceau peut rendre.

Eh bien! C’est à présent exactement le cas du Shuihu de Shi Nai'an ! Après avoir décrit les trois gaillards Lu Da, Lin Chang et Yang Zhi, après avoir mené l'art à son apogée, l'admiration à son apogée, au point où l'art, où l’admiration ne peuvent aller plus loin, voici soudain qu'il retient ou lâche les rênes, et que derechef son pinceau s'élance dans un tourbillon d'encre, et voici qu'il crée, partir de rien, le personnage du capitaine Wu Song!

Quand il m'a été donné de lire ce texte et que je me suis figuré ce personnage, j'ai vu que son cœur n'était pas celui de Lu Da, ni de Lin Chang, ni de Yang Zhi, que son esprit et ses soucis n'étaient pas ceux des trois autres, que sonn allure et son accoutrement n'étaient pas non plus ceux des trois autres.

Me l'étant donc figuré, je suis alors tourné au texte et sur ces bases, je l'ai relu lentement, puis rapidement, puis continûment, puis épisodiquement, puis en le teintant d'accent du Hunan, puis en le rugissant comme un léopard, eh bien ! Miséricorde ! chaque passage, chaque paragraphe, chaque phrase, chaque mot, en vérité, étaient hors de ce que l'esprit d'un lettré peut concevoir, de ce que son œil peut voir, de ce que sa main peut saisir, de ce que son pinceau peut teindre! C'était véritablement « matière de nuées et écrit dragon », beauté de soleil et couleur de lune, hors normes et sublime. Et dans ces conditions, si l'on voulait encore mesurer le génie de cet homme de génie en quintaux et en boisseaux, pauvre de nous, on verrait en maints droits qu'il est incommensurable et sans mesure ! "[3]

Ce roman est donc basé sur la multiplication des personnages, 108 héros, auxquels s'ajoutent d'autres personnages plus ou moins importants comme Chao Gai, le mentor de Song Jiang, le maréchal corrompu Gao Qiu ou l'empereur lui-même...

Les hommes épris de l'honnêteté, de la loyauté et de la droiture doivent agir comme ils le doivent sans tenir compte de ce qu'on pense d’eux. Ayant un sens profond de la justice, ils sont toujours prêts à aider les faibles… On peut constater profondément cet esprit dans la première moitié du roman « Au bord de l'eau ». A l’exemple de Lu Zhishen qui, se comportant en chevalier errant et en défenseur du bon droit, offre son bras et tire son sabre à chaque fois qu'il rencontre des injustices. Il apporte son aide aux pauvres et aux démunis et est toujours prêt à redresser les torts et à réparer les injustices.

Les Chinois n'épargnent aucun effort pour se répandre en éloges et exprimer leur admiration pour les actes nobles, généreux et courageux. Que ce soit autrefois ou maintenant, les Chinois admirent et apprécient toujours les hommes nobles, droits, loyaux et généreux et espèrent beaucoup d'eux.

Le plus grand ennemi de la droiture, de la loyauté et de la générosité c'est la cupidité. Et l'avidité. Wu Song a tué un tigre avec ses gros poings sans aucune arme dans la main. C'est la manifestation de son courage et de sa bravoure, tandis que sa droiture et sa générosité sont traduites dans son comportement devant l'argent qu'on lui offre. Le chef de district décide de lui attribuer la prime promise pour la capture ou l'élimination du terrible fauve qui dévaste la région – mille guans (collier de sapèque).

Somme énorme. A l'époque de la dynastie des Song (960 – 1279), le "宰相"(Zaixiang, Premier Ministre dans la Chine féodale dont le rang est le plus élevé parmi les fonctionnaires civils) ou le“枢密使”(Shumishi, chef militaire au rang le plus élevé dans l'armée impériale des Song) ont un salaire mensuel de trois cents guans. Wu Song n'est pas riche, mais apprenant que les chasseurs de la région ont été punis en raison de leur incapacité de capturer ou de tuer le tigre dans les délais prescrits, il leur distribue alors toute la récompense sans en laisser une seule obole pour lui.

Tout comme lui, les autres chefs des révoltés, dont Song Jiang, Chai Jin et Zhao Gai, sont également généreux et désintéressés, Comme lui, ils sont férus de justice, insoucieux de richesses et prodigues avec leurs amis dans le besoin. Leur idée c'est qu'il faut aider les prochains qui en ont besoin et qui le demandent et même ceux qui ne le demandent pas, mais qui en réalité en ont besoin.

Un autre grand ennemi de la droiture, de la loyauté et de la générosité, ce serait l'appétit sexuel. Dans « Au Bord de l'eau », la beauté et le charme des femmes sont utilisés pour exciter l'appétit sexuel des hommes. Pour contrecarrer et combattre cette menace, les braves du repaire des Monts-Liang se montrent résolus et déterminés en tuant carrément les femmes utilisées comme appâts ! Dans la culture traditionnelle chinoise, la générosité et la loyauté chevaleresque ont comme conséquence le refus des charmes de la femme et des plaisirs charnels.


« Le Voyage en Occident »

Ecrit par Wu Cheng'en au XVIe siècle, connu aussi sous le nom de "Roi des singes" ou "La pérégrination vers l'ouest", c'est sans doute le roman le plus populaire en Chine. Il a fait l'objet de nombreuses adaptations en bandes dessinées.[4]

L'ouvrage se montre irrespectueux envers le bouddhisme. Lorsque le moine Xuanzhuang arrive au Temple Dalei (Grand tonnerre) pour solliciter les canons bouddhiques, Deux assistants du Bouddha – A Nan et Jia Ye – demandent à Xuanzhuang et à ses trois disciples de leur présenter leur lettre de recommandation. N'en n'avez pas ? Désolé, vous ne pouvez avoir que le livre canonique sans aucune écriture et passez votre chemin ! Tous les quatre s'en vont alors trouver le Bouddha Rulai pour lui demander de trancher le différend. Celui leur dit : Quelqu'un de chez moi est parti il y a deux jours pour faire le service rituel et on lui a donné en retour trois décalitres et trois litres d'or. Vous qui venez chez nous pour obtenir nos canons bouddhiques, il me semble qu'il est tout-à-fait normal que vous nous donniez quelque chose en retour, n'est-ce-pas ? C'est ainsi que le chef suprême du bouddhisme est décrit comme un personnage cupide et mercantile.

De même, « Le voyage en Occident » ne respecte également pas le Taoïsme. La plupart des monstres, des démons et des sorcières qui barrent la route et font obstacle aux quatre intrépides voyageurs font leur apparition sous l'aspect de prêtres taoïstes. Certains sont le ‘père' ou le 'frère' d'une reine et ils se montrent arrogants, despotiques et tyranniques, abusent de leur pouvoir pernicieux, malfaisant et maléfique pour nuire aux gens du peuple.

Les deux grandes religions que sont le bouddhisme et le taoïsme sont rabaissées et tournées en ridicule dans le livre. Cela suggère que dans la nature nationale traditionnelle de l'ethnie Han, il n'y a aucune croyance fixe. Le professeur Qian Wenzhong de l'Université Fudan de Shanghai a indiqué que les Hans n'éprouvent aucun sentiment de crainte à l'endroit de la croyance religieuse, car ils ne croient et ne font confiance qu'aux choses qui peuvent leur apporter des avantages. La conception des trois accompagnateurs de Xuanzhuang, le moine envoyé par l'empereur des Tang (618 - 907) pour importer de l'Inde en Chine des canons bouddhiques, indiquent explicitement les souhaits, les espérances et les idéaux des Hans.

Shaseng (沙僧), Le Bonze des sables, est quelqu'un de discret et de loyal qui supporte tous les fardeaux qu'on ajoute sur ses épaules et qui ne recherche aucun avantage pour lui-même, mais c'est justement ce personnage honnête, simple et naïf qui occupe peu de place dans le cœur de son maître.

Quant à Sun Wukong (悟空), le Rois des singes, il est le plus capable des trois, mais il est indocile, entêté et parfois ne fait qu'à sa tête. C'est pourquoi Xuanzhuang ne l'aime pas, mais ne pouvant pas se passer de ses services et comptant sur lui pour surmonter les catastrophes et écarter les dangers, il est obligé de le laisser agir à sa guise. Mais, si le Singe se montre trop désobéissant, il jette alors l'anneau d'or sur la tête de Sun Wukong et profère l'incantation pour obliger ce dernier à l'obéir.

Zhu Bajie (猪八戒), le Cochon aux Huit Vœux, est quelqu'un de fainéant et de paresseux qui laisse toujours Shaseng porter la palanche chargée de lourds paniers et pour ce qui est des combats contre les démons, ils comptent toujours sur Sun Wukong. Malgré ses défauts, son maître le préfère aux deux autres et se montre toujours indulgent envers lui. Tout ce qu'il raconte, même si ce sont des mensonges, Xuanzhuang le croit toujours. Quelqu'un de si glouton et de si paresseux et qui sait comment spéculer sur les circonstances, il est le chouchou et le préféré du maître. Cela voudrait dire que dans leur for intérieur, les Hans admirent et recherchent une telle situation dans la vie : n'avoir aucune responsabilité et profiter toujours des avantages.



Le « Rêve dans le pavillon rouge »

Le « Rêve dans le pavillon rouge » [5], qui est considéré par beaucoup comme l'ouvrage le plus abouti de la littérature chinoise et une véritable mine d'informations sur la société de l'époque des Qing (1644-1911), et en particulier sa couche aristocratique, comporte toutes les formes d'expression distinguée, raffinée, élégante et cultivée des Chinois, à savoir poésie, ci (poème en vers inégaux), qu (poème en vers chanté et fu (genre de poème en prose rimée, en vogue à l'époque des Han, 206 Av. J.-C. à 220).
Au milieu du 18ème siècle, ce fut l'âge d'or de la dynastie Qing, sous le règne de l'empereur Qian Long. Cependant un roman a anticipé la fin de la société.
« Le rêve dans le pavillon rouge » est le monument par excellence de la littérature classique chinoise. Cao Xueqin a pu écrire ce chef-d'œuvre parce qu'il était talentueux et avait beaucoup d'éducation, certes, mais le plus important, fût son expérience passant d'une vie riche et honorable à une condition extrêmement pauvre et difficile. Le grand-père de Cao Xueqin gagna bien la faveur de l'empereur de Kangxi, le grand-père du fameux empereur Qian Long, et Cao Xueqin passa ainsi son enfance dans une famille très riche. Mais après, son grand-père fut destitué de ses fonctions et sa famille spoliée. Du fait de ce changement radical, toute la famille déménagea du sud au nord et pour s'installer à Beijing. Le jeune Cao Xueqin éprouva ainsi les meilleures et les pires conditions de vie, avec l'inconstance des relations humaines que cela suppose. Au soir de sa vie, Cao Xueqin habitait seul, reclu dans la banlieue ouest de Beijing et écrivit avec acharnement les 80 chapitres du « Rêve dans le pavillon rouge », dans un contexte des plus difficiles. Finalement il tomba gravement malade, et ne pu malheureusement finir son roman avant de mourir.
« Le rêve dans le pavillon rouge » s'appelle aussi «l'histoire de la pierre ». Le manuscrit de Cao Xueqin a beaucoup circulé avant d'être parachevé. Après la mort de ce dernier, tout en s'imprégnant des pensées de l'auteur, un lettré nommé Gao E réussit à rédiger 40 chapitres supplémentaires et finir le roman.
« Le rêve dans le pavillon rouge » est un roman de style encyclopédique. Il relate des personnages de tous bords : familles impériales, nobles et bureaucrates aux servantes, serviteurs, moines bouddhistes, commerçants et paysans couvrant ainsi toutes les classes sociales de Chine. Le contenu de ses œuvres décrit des rites, des célébrations, des condoléances, des travaux dans les ateliers, des plantations des fleurs et arbres, la médecine, l'astrologie, les arts, etc. Retraçant en outre les divers aspects de la culture classique chinoise – architecture, gastronomie, arts des paysages et des jardins et peinture, il est rempli d'idées distinguées, raffinées, délicates et subtiles que les autres romans ne comportent pas. On peut dire qu'il comprend tous les aspects de la société de la dynastie des Qing.

Il raconte les histoires de nombreuses familles impériales de son époque, et notamment sur les 4 grands clans Jia, Shi, Wang, Xue. Ensuite il se concentra sur le clan familial des Jia. Comme toile de fond il choisit un parc aux sites grandioses, lequel fût le théâtre des activités de la majorité des personnages. Il refléta ainsi l'univers de l'époque dans ces scènes pour décrire magnifiquement et avec une précision chirurgicale le long mais non moins inéluctable, le processus de dépérissement de la grande famille Jia. La symbolique se manifeste au travers des liens entre le monde extérieur et cette micro-société principalement composée de jeunes femmes et de jeunes filles.
Les portraits sont la grande réussite du « Rêve dans le pavillon rouge ». Le nombre de personnages de ce roman dépasse les 700, dont une bonne centaine sont vraiment typiques. Cao Xueqin a pu saisir précisément la psychologie de chacun d'entre eux, ainsi que les sentiments, complexes, et variables des femmes, et surtout ceux des jeunes filles. Il a réussi à dévoiler à travers une profonde sympathie leurs attentes de la vie, et notamment leur aspiration à l'amour. Dans cette œuvre monumentale, l'auteur révèle non seulement la richesse et la profondeur des sentiments humains, mais également les restrictions imposées et les diverses influences exercées par l'environnement et la société. Ces portraits sont emplis de caractère et de vitalité.
Son langage, ses structures et ses personnages atteignent le sommet de la littérature classique chinoise. La valeur artistique du « rêve dans le pavillon rouge » se révèle dans une lecture sans fin.
De cet ouvrage littéraire, on dit que non seulement les hommes de lettres doivent absolument lire, mais également les hommes de guerre. L'ancien Président chinois Mao Zedong (Mao Tsé Toung) a proposé au général Xu Shiyou, qui avait été un rude guerrier lors des époques de la guerre civile, de la guerre de résistance contre le Japon et de la guerre de libération, de lire ce livre à ses heures de loisirs.


Fleur en fiole d’or (Jin ping mei)

« Fleur en fiole d’or »[6] est l'un des plus célèbres romans chinois classiques du XVIe siècle. Il conte les mille aventures licencieuses pittoresques et constitue un document très vivant sur les moeurs de la société de cette époque.

Bien qu'il emprunte une part de sa matière à Au bord de l'eau (Shuihu zhuan) – en fait, un épisode secondaire narré dans les chapitres 23 à 27 –, à certains récits (conte et roman) en langue vulgaire, c'est la première œuvre romanesque d'ampleur (100 chapitres) à sortir, pour l'essentiel, du pinceau d'un seul auteur. Que celui-ci soit un écrivain de renom tel que Tang Xianzu (1550-1616) ou un lettré obscur, peu importe. Il fut aussi habile à tisser une trame romanesque aux nombreuses ramifications qu'à la soutenir sur la longueur par maints récits mineurs et descriptions foisonnantes.

L'ensemble est porté par une maîtrise singulière de la langue vulgaire. Conscient de sa responsabilité de narrateur, l'auteur réussit à varier les registres, sans s'interdire le recours à un érotisme parfois torride qui condamna le roman à être mis à l'index. Qu'à l'instar de son préfacier, on le considère comme « obscène pour la bonne cause » ou « aucunement licencieux », comme son plus fervent commentateur et partisan Zhang Zhupo qui l'éditera dans une version allégée de bon nombre de ses poèmes en 1695, le Jin Ping Mei est un livre véritablement extraordinaire. Il narre l'ascension puis le déclin d'un marchand nommé Ximen Qing, avide de richesses, d'honneurs, tout autant que de conquêtes féminines. S'étant acheté une charge qu'il peine à remplir, il réunit autour de lui cinq concubines dont Pan Jinlian (Lotus d'or), qui ne le rejoint qu'après avoir dûment empoisonné son mari, et Li Ping'er (Fiole), qui lui donnera un fils.

Grand consommateur d'aphrodisiaques – penchant qui le perdra –, il prend, de force s'il le faut, son plaisir avec plus d'une dizaine d'autres femmes, jeunes et moins jeunes, parmi lesquelles Pan Chunmei (Fleur-de-Prunier), la très jolie servante de Lotus d'or.

Le lecteur a donc en toile de fond une peinture au vitriol de la société à une époque minée par la corruption du milieu mandarinal. Le roman, toujours interdit en Chine, reçut plusieurs suites dont celle de Ding Yaokang (1599-1669) vers 1660 (Xu Jin Ping Mei) ; Cao Xueqin (1715 ?-1763) s'en inspira tout en s'en démarquant dans le « Rêve dans le pavillon rouge ».


1 commentaire:

  1. au autre article aborde ces garnds classiques : http://livresalireabsolument.com/classiques-de-la-litterature-chinoise/

    RépondreSupprimer